Condorcet au secours des Gilets Jaunes

Entre contestation protéiforme et absence de cohérence intellectuelle, le mouvement des Gilets Jaunes brille aussi par une certaine méconnaissance du système qu’il dénonce. Au risque de rapidement se décrédibiliser.

Alors que la France se déchire sur la question des Gilets Jaunes, sur les violences concomitantes au mouvement et sur le ras-le-bol fiscal qui étoufferait le pays, pourquoi ne pas s’attarder sur l’un des plus pertinents aphorismes de l’un des plus fertiles penseurs du XVIIIème siècle, à savoir Condorcet. « Il faut enseigner ce qui suffit à ne point dépendre », cette citation prend ainsi au regard des événements actuels et de la contestation qui l’épouse tout sons sens. Comment ? Et bien en analysant la portée du propos du mathématicien et philosophe, l’on devine combien celui-ci croyait et plaidait pour l’émancipation de l’individu par le savoir et la connaissance. Une fois libéré des chaînes de l’obscurantisme qui le retient prisonnier de l’ignorance, l’Homme peut ainsi accéder à un niveau de compréhension de son environnement et des évolutions de ce dernier. Or, à ce jour, nous entendons en France un discours somme toute assez flou, composé de revendications des plus farfelues aux plus réalistes mais toutes noyées dans un mouvement hétéroclite où prédomine une ignorance évidente du système pour lequel le pays a opté voilà des décennies.

Ignorance et punition

Ce système, dénoncé aujourd’hui, c’est l’Etat-Providence, celui qui permet à chacun de nous de profiter de services publics ou d’actions publiques diverses qui vont de l’hôpital à l’école en passant par les allocations sociales si utiles et vitales pour les plus démunis. Les exemples ne manquent pas. Et preuve de cette ignorance, le leitmotiv permanent des Gilets Jaunes prompt à dénoncer pelle-mêle les taxes et les impôts dans un même paquet qui n’aurait que pour but d’étrangler les populations. Rappelons-le, au sein d’un Etat-Providence, l’impôt et la taxe, pour reprendre la dialectique actuellement employée, n’ont rien de ponctions punitives mais sont l’illustration matérielle de la contribution financière de chacun à la richesse nationale en vue de redistribution. Certes, l’on peut arguer que le montant du prélèvement fiscal global est lourd en France (56% des revenus – Lire l’article sur lefigaro.fr : http://www.lefigaro.fr/impots) mais ce prélèvement, essentiel dans un Etat-Providence fait de la France un des pays les plus confortables du monde et des mieux lotis au point de vue socio-économique. Que le système en question recèle des failles, des gabegies, des erreurs voire des sur-impositions, personne n’en disconvient mais demander plus d’étatisme sans le financement par l’impôt est proprement impossible. Hurler à la dictature de la taxe et de l’impôt avait un sens en 1789 quand la richesse produite était ponctionnée à des fins purement personnelles sans la moindre optique de redistribution par le monarque absolu mais en 2018, le discours n’a plus de sens et de raisons d’être. Supprimer l’impôt ou les taxes reviendrait à tuer l’Etat-Providence, celui à qui l’on demande justement aujourd’hui plus d’efforts et d’interventionnisme. Et Condorcet dans tout cela ? Son aphorisme, fort à propos, est alors à considérer comme une invitation à la réflexion et l’étude, non celle qui pousse le chercheur et le penseur dans un univers déconnecté, mais celle qui incite chacun de nous à se pencher sur les fondements du système qui est le nôtre, à nous verser dans le texte et non dans l’insulte pour comprendre et non combattre un Etat-Providence non pas fatigué mais mal appréhendé. Précisons-le, il appartient à chacun de s’abreuver aux sources du savoir afin de donner corps à sa réflexion, car, associé à des violences fruits de casseurs obtus, le mouvement des Gilets Jaunes tend à se décrédibiliser.

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