L’annonce du retrait des Etats-Unis de l’Accord de Vienne régulant l’activité nucléaire de l’Iran plonge le Moyen Orient et les cosignataires dans une incertitude lourde et dangereuse. Et si la solution à la crise naissante venait de Chine ?
En annonçant le retrait des Etats-Unis de l’accord de Vienne (Joint Comprehensive Plan of Action – JCPOA) signé entre les cinq membres du conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (Etats-Unis, Grande-Bretagne, Russie, Chine et France) plus l’Allemagne, Donald Trump jette, non seulement le Moyen-Orient dans une période d’incertitudes lourdes dont les conséquences pourraient rapidement s’avérer dramatiques, mais déstabilise aussi les autres co-signataires de l’accord, en dépit de leur volonté, pour l’heure, de faire front et de respecter les termes d’un traité acquis après douze ans de négociations. (Lire l’article sur lemonde.fr : Iran : une décision absurde aux effets déstabilisateurs ) Au Moyen-Orient, dans un premier temps, le retrait des Etats-Unis pourrait facilement être interprété par Téhéran comme une sorte de blanc-seing a un programme nucléaire bien plus actif qu’il ne l’est aujourd’hui, la République iranienne faisant fi des sanctions à venir.
Poids diplomatique
Hassan Rohani, le président modéré iranien ayant donné, après l’annonce de Donald Trump, pour instruction à l’Organisation de l’énergie atomique iranienne de préparer un programme visant à la production d’uranium enrichi mais dans un laps de temps conditionné par l’attitude des autres co-signataires. Israël, et dans une moindre mesure l’Arabie Saoudite, ont salué ce retrait en fidèles alliés des Etats-Unis mais pourraient là encore, et dans les plus brefs délais, regretter une décision qui ne lie plus les Iraniens à qui que ce soit ou à quoi que ce soit sauf aux nations européennes dont le poids diplomatiques au Moyen-Orient est quasi-nul, au mieux symbolique. Car il n’est pas leur faire injure que de dire que le poids des pays décidés à encore respecter l’accord ne constitue en rien une menace particulière pour Téhéran même si celle-ci s’est montrée sensible et attentive à la volonté de ces derniers de rester ouverts au dialogue dans le cadre de l’accord signé. Et l’avenir de dire si l’union affichée entre les cosignataires restant perdurera dans le temps…La Grande-Bretagne toujours plus tentée par le grand large que par l’Europe pourrait faire preuve dans les mois à venir de frilosité pour finalement accorder du crédit au retrait nord-américain ; le couple franco-allemand, conscient des dangers que la rupture de l’accord ferait courir pourrait aussi faire preuve d’un volontarisme limité et ce même si l’Iran ouvre d’immenses perspectives économiques. (Lire l’article sur lesechos.fr : Marchés financiers : comment l’Iran peut rebattre les cartes ) La Russie, quant à elle, prompte à soutenir Bachar El Assad dans sa lutte contre la rébellion syrienne pourrait voir dans l’accord signé un accessoire quelque peu encombrant, trop préoccupée par sa position diplomatique à l’échelle internationale.
Accord ou atlantisme ?
Car à trop soutenir un accord, certes imparfait, mais qui a le mérite d’exister, accord qui réintègre d’autant plus l’Iran dans le circuit diplomatique mondial que celle-ci respecte les termes fixés par le traité, les co-signataires savent pertinemment que le risque de voir s’ouvrir une crise diplomatique avec les Etats-Unis est réel. Et reste à savoir qui des signataires européens sera prêt à relever ce défi ? Tout proche qu’il soit de Donald Trump, tout attaché qu’il soit à l’accord et tout respectueux de l’accord de Vienne qu’il s’affiche, Emmanuel Macron sera partagé entre deux feux. La défense acharnée du traité ou un atlantisme à ses yeux essentiel ? Car la position des Etats-Unis est aussi une épreuve pour l’Europe. Pourquoi ? Parce que celle-ci a peut-être là l’opportunité de faire preuve d’une certaine maturité et d’un courage que d’aucuns salueraient en faisant honneur à ses convictions en se désolidarisant, au regard de la question iranienne, des Etats-Unis. Pour autant, la solution se trouve peut-être à Pékin. La Chine, partie prenante silencieuse dans la lente résolution (et loin d’être acquise) crise nord-coréenne, sait combien son poids économique et diplomatique serait à même d’infléchir la position de Donald Trump, à tout le moins de le pousser à reprendre des négociations plus rapidement que celui-ci ne le souhaite. Pékin dispose de tous les atouts, avec pour vertu cardinale de ne pas être directement liée avec l’Iran sauf via l’Accord de Vienne, pour résoudre la crise diplomatique qui s’annonce. Mais le voudra-t-elle ? Mais le pragmatisme des co-signataires, réalistes quant à l’absurdité de la décision de Donald Trump, peu désireux de voir s’envoler le prix du baril de pétrole, de voir s’éteindre les perspectives économiques offertes par l’Iran, y compris pour la Chine (confrontée à un ralentissement de son économie) et plus globalement de voir s’affaisser la croissance économique actuelle pourrait motiver la Chine. Mais quand la Chine s’éveillera…?