La Corse, nouveau fruit de la discorde

Entre dialogue et fermeté affichée, Emmanuel Macron doit à son tour affronter la question corse. Pourtant, plus que le risque d’attenter à l’image de l’exécutif, c’est un risque de fracture au sein de la majorité qui pourrait se dessiner. Explications.

Il est bien des sujets sur lesquels la majorité parlementaire sera susceptible au cours du mandat du Président de la République de se quereller voire de se briser. Et la question corse figure au rang de celles qui présentent des risques sinon élevés du moins probables. Car en voulant incarner un changement attendu, du moins si l’on s’en réfère aux résultats des urnes, Emmanuel Macron a fait naître sur l’ensemble du territoire, Île de Beauté comprise, l’idée que nombre de choses étaient désormais possibles. Certes il peut y avoir un pas, quand ce n’est pas un gouffre, entre ce que l’on imagine réalisable et ce qui le devient réellement. Et la majorité parlementaire d’incarner le pouvoir capable de matérialiser les aspirations exprimées. Et là encore la question corse de s’inviter au débat qui n’a rien de nouveau.Voilà plus de quatre décennies – la création du Front de libération nationale corse (FLNC) datant de 1976 – qu’une partie de la population de l’Île appelle à l’indépendance ou à une très large autonomie. Passons sur les moyens employés, souvent violents comme l’assassinat du Préfet Erignac en février 1998, par le passé pour faire valoir cette revendication qui ne peut être niée.

Fruit et République

Plus pacifiquement et démocratiquement, l’automne dernier a vu Gilles Simeoni et Jean-Guy Talamoni respectivement portés, suite à des élections locales, à la tête du conseil exécutif et à la présidence de l’Assemblée de Corse confirmant la volonté de ceux qui se sont rendus aux urnes de voir la Corse basculer dans le champ de l’autonomie. Et il sera désormais très difficile à Emmanuel Macron de négliger, comme l’on longtemps fait ses prédécesseurs, les doléances de ses interlocuteurs. Jusqu’alors la fermeté dans le cadre de la République prévalait : La République française est une et indivisible. Or la Corse faisant entièrement partie de la Métropole et de la République, elle ne pouvait en être exclue, y compris sous les coups de boutoir d’une revendication nationaliste, pacifique ou violente. Parallèlement et a contrario, les nationalistes avancent aujourd’hui comme argutie juridique à leur revendication l’article 74 de la Constitution qui régit le statut des collectivités d’outre-mer. Dilemme des plus épineux et contradiction des plus patentes quant l’on sait aussi que la Corse a élu, au sein de l’Assemblée territoriale, des représentants de La République en Marche qui ont signé le 7 février dernier une résolution émanant de l’Assemblée de Corse appelant le président de la République « à ouvrir avec les représentants élus de la Corse un dialogue sans préalable ni tabou » (Lire l’article sur lemonde.fr: En Corse, les élus territoriaux LRM rappelés à l’ordre par Paris: ). Certes rappelés à l’ordre par l’exécutif, il n’en reste pas moins que les six députés en question s’inscrivent désormais en faux avec la ligne défendue par l’Elysée.

Intégrité et velléités

Pour combien de temps, la question se pose aussi. Quelle sera leur position au sein de l’Assemblée nationale et quelle sera la position du groupe parlementaire à l’endroit de leur positionnement identitaire ? Christophe Castaner, le délégué général de LRM a précisé que cette position « n’était pas celle LRM ». Certes. Mais le vers est dans le fruit et la fracture se profile. (Lire l’article sur hufftingtonpost.fr : Corse: en attendant Macron, La République En Marche cherche encore sa voix) Ainsi, Emmanuel Macron, comme ses prédécesseurs, est donc confronté à la question corse, partagé entre la volonté de préserver l’intégrité territoriale de la République et l’envie de résoudre un problème par le choix d’une autonomie des plus larges qui ouvrirait cependant la voie à de plus grandes velléités nationalistes corses ou issus d’autres régions de France. Car s’il est possible sans trop de dommages de refuser la construction d’un second aéroport à Notre Dame des Landes, il est plus difficile et plus risqué de contester la volonté d’une assemblée élue démocratiquement et qui entend porter la voix d’un peuple, fut-il contesté, moqué ou brocardé dans son identité.

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