
La question de la violence dans les enceintes sportives à nouveau relancée par les incidents survenus à Amiens, se pose un impératif de gestion des groupes ultras. Sous peine de voir les stades désertés et le football professionnel discrédité.
D’aucuns pensaient la question sinon définitivement réglée, du moins largement dominée. Mais l’incident survenue le 30 septembre dernier lors du match de football de Ligue 1 opposant Amiens à Lille au stade la la Licorne dans la capitale Picarde a relancé la question de la sécurité dans les stades au regard de la présence de groupes Ultras. Naturellement, l’enquête diligentée par le Parquet d’Amiens déterminera les responsabilités de chacun mais demeure la question prégnante de la gestion de ces groupes de supporteurs. Ces individus, rarement présents dans les enceintes sportives dédiées à la pratique du football pour la beauté du sport ou la candeur innocente du soutien bon enfant que l’on peut apporter à son équipe favorite, atteignent à l’image (déjà très écornée ! ) du football professionnel. Et il s’agit aujourd’hui d’un fait acquis, qui ne relève plus de l’épiphénomène : le football professionnel, voire amateur, génère des comportements violents et totalement asociaux. La question à se poser désormais, passé le constat, est de savoir comment dans un premier temps juguler cette violence, pour ensuite la faire totalement disparaître. Vaste tâche que celle-ci car la violence, majoritairement contenue au plus plus profond de chacun de nous, est pourtant affleurante chez certains et qui n’hésitent pas à l’exprimer lors des rencontres sportives. Et chacun de se renvoyer parmi les dirigeants de clubs la responsabilité des incidents ou des actes en prétextant une mauvaise gestion des groupes, d’insuffisantes mesures de sécurité, d’incomplètes installations à l’intérieur des enceintes afin d’isoler ces supporteurs qui n’en ont que le nom….
Subir et redouter ?
Que faire alors ? La réponse policière et judiciaire peut certes être avancée mais est-il possible de poser un agent des forces de l’ordre derrière chaque individu jugé ou supposé violent ? La multiplication des mesures, y compris les plus restrictives comme l’interdiction de stade finiraient par se heurter aux fondamentaux de la liberté individuelle. Donc question compliquée, juridiquement, matériellement et financièrement. Dès lors, ne reste-t-il plus qu’à subir et redouter le pire ? Si l’interrogation n’est pas en soi insupportable, la réponse pourrait déplaire et être jugée impensable. Pour autant, ne convient-il pas aussi de prendre la question de la violence des groupes ultras de biais et non plus frontalement ? Explications. Qu’es-ce qui génère cette violence ? La bêtise. C’est une réponse mais le terme est trop générique. Plus précisément, l’envie d’en découdre pour satisfaire un ensemble de frustrations propres à chacun des supporteurs appartenant à ces groupes. Il n’est pas ici question de transformer ces individus en victimes d’un société contemporaine dure et cruelle, loin s’en faut. Mais aborder plus encore la sociologie des groupes de supporteurs ultras ne serait pas inutile non plus. L’étude permettrait, peut-être, de dessiner les raisons et les origines de cette violence, condamnable naturellement, amplifiée par l’exposition médiatique du football professionnel. Parallèlement, nombreux arguent de l’omniprésence de l’argent dans le football professionnel pour expliquer cette violence. Cependant, le lien entre violence gratuite et flux financiers, ceux qui traversent le football professionnel aujourd’hui, n’est pas si direct et évident.
Hypocrisie du fair-play
La violence des groupes ultras cible généralement d’autres groupes de supporteurs ou l’équipe adverse et la dimension financière et économique ne semble pas être une des origines de cette violence. En témoigne l’observation d’Antoine Boutonnet, Commissaire chef de la Division de la lutte contre le hooliganisme (DNLH)* : « La définition d’un ultra est la suivante : Les ultras sont des supporters qui aiment se retrouver en groupe pour encourager leur équipe, qui créent des animations, des tifos, chantent… C’est le douzième homme. Ils aiment être autonomes par rapport à leur club et à sa gouvernance. Ils rejettent le fair-play qu’ils considèrent comme une véritable hypocrisie puisqu’ils considèrent le football comme un affrontement entre deux camps. Ils veulent avoir leur esprit critique et pouvoir peser sur un certain nombre de décisions. Ils ne sont pas forcément adeptes de la violence mais sont prêts à en user pour défendre leur groupe envers et contre tout. Ils ont d’ailleurs des relations très ambiguës avec les actes de violence. Ça peut être de la violence verbale mais aussi physique. Ils se chambrent entre eux et cela peut déboucher malheureusement sur des bagarres. » (Lire le dossier complet sur : Le mouvement ultra en France ) Passées toutes les analyses, demeure une réalité. Il est devenu, à des degrés divers, risqué, voire dangereux de se rendre au stade, seul ou accompagné, compte tenu de la présence de groupes de supporteurs, incontrôlables car indépendants des clubs qu’ils soutiennent. Néanmoins, tant pour des questions de survie du football professionnel que pour des questions de sécurité publique, la gestion de ces groupes devra être abordée sans tarder afin de rendre les enceintes sportives sûres pour tous.
* In Foot365, décembre 2015.