
Plus que d’engager des réformes certes impérieuses, le prochain locataire de l’Elysée devra surtout trouver les solutions pour guérir la dépression nerveuse dont souffre le pays. En commençant par bannir le retour sur soi et les intérêts partisans.
Diriger un Etat n’a rien d’aisé ou d’une sinécure. Ceux qui affirment le contraire n’ont jamais éprouvé la chose (rares le sont d’ailleurs) ou se vautrent dans des certitudes teintées d’ignorance crasse. Bref ! Donc diriger un Etat n’a rien d’aisé et diriger la France, comme s’apprête à le faire le prochain président, ou présidente, de la République, reste un défi lourd dans la vie de celui, ou celle, qui a été choisi ; tout comme il peut l’être dans n’importe quel pays du monde pour celui qui a été désigné. Pourtant, le ou la prochain(ne) président(e) de la République, devra non seulement engager les sacro-saintes réformes que le pays attend depuis des décennies (certainement aussi difficiles à engager qu’à exposer aux Français lorsque les vivre sera un autre débat) mais peut-être avant toute chose prendre conscience d’une réalité que la campagne présidentielle actuelle semble avoir éludé. Cette réalité, simple, s’exprime dans la fatigue psychologique et nerveuse des Français. Chômage de masse insupportable, mondialisation mal appréhendée, terrorisme rampant, tensions sociales…sont autant de paramètres qui devront être pris en compte, non seulement en tant que tel par le prochain locataire de l’Elysée, mais surtout considérés comme éléments moteurs de la fatigue, nerveuse et sclérosante dans laquelle les Français baignent depuis de nombreuses années.
Colère et résignation
Inutile d’évoquer un quelconque tournant historique de la vie politique française que recèlerait cette élection (le tournant ne sera historique que si celui-ci, à l’aune du temps long, reste inscrit dans l’Histoire comme un moment clef du roman national), mais plutôt l’opportunité de modifier l’approche que nombre d’hommes et de femmes politiques nourrissaient à l’endroit du pays. Le prochain locataire du Faubourg Saint-Honoré devra d’abord réconcilier le pays avec son histoire, avec ce qu’il est et ce qu’il est devenu. Sans faire table rase du passé, il devra faire accepter ses erreurs et ses faiblesses, ses reniements et ses trahisons sans diviser un peuple fragile et fragilisé. Là encore, inutile d’évoquer deux France, deux peuples divisés entre ceux qui bénéficieraient d’avantages quelconques jugés indus (les fameuses élites) et ceux qui n’auraient rien pour ne jamais cesser de souffrir. Vision simpliste, facile et pratique, qui pousse à détourner les yeux d’une réalité bien plus complexe, réalité qui renvoie l’homme ou la femme politique à ses responsabilités : celle de gouverner un pays en proie au doute et non pas une frange de la population. Cette fatigue psychologique que fait régner les paramètres évoqués plus haut, est devenue si prégnante qu’elle est parvenue à écoeurer nombre d’électeurs de s’exprimer sur le destin du pays ou de l’exprimer via des candidats au discours violent et destructeur. Mais elle a aussi pour effet de nourrir un sentiment de résignation et de banalisation aussi dangereux que les partis soucieux d’exploiter, à dessein malsain, la colère et le ressentiment de certains. Alors plus que de réformes, certes indispensables, le prochain président de la République devra être ferme mais pas autoritaire, réaliste mais pas austère, compréhensif sans pour autant céder à toutes velléités, empreint d’intérêt général et non défenseur d’intérêts partisans, trouver des solutions et non pas flatter le compromis, s’ouvrir au monde et non pas le redouter. La tâche s’annonce rude et complexe tant le pays a perdu une grande partie de sa confiance en soi. Les raisons sont multiples mais, à la tête de l’Etat, comme premier de cordée, celui qui s’installera dans le fauteuil tant convoité le 7 mai au soir devra ouvrir la voie de l’espérance et non en fermer la porte au profit du repli sur soi, moteur d’un doute destructeur. Attendons donc le 7 mai pour savoir qui héritera du privilège d’administrer sa thérapie.