Le populisme banalisé

Erdogan
Recep Erdogan incarne un populisme assumé, agressif et prompt à la polémique.

La banalisation du populisme, aidée par l’inertie d’une sphère politique républicaine impuissante et électoraliste, expose les sociétés contemporaines à une décadence lourde de conséquences. A moins que la chute n’ait déjà commencée ?

Que ce soit en Grande-Bretagne, avec le vote pro-brexit, en Turquie avec les propos tempétueux de Recep Tayyip Erdogan, en France avec les provocations anti-démocratiques permanentes de Marine Le Pen, et naturellement de Donald Trump aux Etats-Unis, n’assisterions-nous pas à une forme de banalisation du populisme ? Question rhétorique qui n’appelle aucune réponse si ce n’est une explication post-constat, explication qui ne sera ici que partielle tant le phénomène reste complexe. Longtemps ostracisé du discours politique, tendance qui a d’ailleurs nourri une partie de sa croissance, le populisme a aujourd’hui pignon sur rue au point d’occuper le pouvoir au sein de places fortes européennes. En Grande-Bretagne, même si Theresa May n’est pas une populiste au sens strict du terme, sa présence au 10 Downing Street est le fruit d’un vote populiste et anti-européen ; en Turquie, Recep Erdogan, qui rêve de rendre à la Istamboul la grandeur et l’influence perdue de l’Empire ottoman, multiplie les interventions tapageuses (les dernières en date accusant les Pays-Bas et l’Allemagne de pratiques nazies – voir l’article sur lemonde.fr : Meetings turcs annulés en Allemagne : Erdogan évoque des « pratiques nazies »  ) en renforçant cette impression de populisme assumé et vindicatif ; Aux Etats-Unis, le slogan de campagne de Donald Trump (L’Amérique d’abord) est similaire à la politique menée par le président turc ; et en France, la menace que fait peser l’extrême droite sur la prochaine élection présidentielle est loin d’être négligeable tant et si bien que désormais de nombreux analystes se demandent qui Marine Le Pen affrontera au second tour du scrutin. Et la liste est encore longue…

Médiocrité et désillusion

Cette banalisation du populisme, cette pratique politique qui consiste à flatter, à coups de sophisme grossier, les bas instincts et les intérêts du peuple afin que ceux qui le développent puissent accéder au pouvoir, a souvent fait florès dans l’Histoire pour cependant être souvent contenue par des discours républicains prompts à ramener à la raison un électorat perdu et déboussolé. Pour autant, aujourd’hui, rien ne semble plus arrêter les discours cités précédemment : la désillusion croissante de certaines franges de la population, qu’elle soit européenne ou américaine, s’est incarnée dans des figures politiques longtemps enfermées dans une médiocrité circonscrite par un ensemble de discours pondérés et mesurés. Débordée pour de multiples raisons, notamment liées à son impuissance à résoudre la crise économique et sociale qui traverse nos sociétés contemporaines, la sphère politique républicaine a ainsi laissé le champ libre à une logorrhée haineuse essentiellement venue d’extrême-droite. Assidue à dénoncer les travers de systèmes politiques qualifiés d’imparfaits et de sociétés psychologiquement épuisées, sans pour autant proposer un ensemble de solutions viables, fiables et surtout moralement acceptables, l’extrême-droite et son discours populiste ont rongé les démocraties contemporaines avec l’assentiment tacite de partis républicains qui ont utilisé cette progression comme un argument électoral et non comme une menace pour la démocratie.

Porosité

Erreur tactique qui s’est finalement retournée contre leurs auteurs et qui s’est révélée d’autant plus lourde de conséquences que ce même populisme a, parallèlement, crû de manière autonome en prospérant sur le désespoir social. Mais le schéma conventionnel qui alliait jusqu’alors extrême-droite et populisme est lui aussi en passe d’être dépassé, confirmant la banalisation de ce même populisme. Dire que Theresa May est d’extrême-droite est faux et excessif, idem pour Donald Trump et Recep Erdogan mais les discours tenus pas les uns et les autres les renvoient tour à tour dans un univers à la porosité affichée avec l’extrême-droite, celle-ci n’hésitant pas en s’en réclamer quand les premiers ne condamnent en rien les propos des seconds. Ne serait-ce pas le signe d’une banalisation acquise et consommée d’un discours politique désormais partie intégrante de nos sociétés ? Le signe d’une décadence amorcée sans possibilité de la freiner ? C’est aujourd’hui à craindre car pour reprendre le titre d’une des chansons de Serge Reggiani, les loups sont entrés dans la Paris, à la différence qu’aujourd’hui les loups se sont grimés en moutons mais ils restent des loups.

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