
Le vent de panique provoqué par la démission d’Emmanuel Macron renvoie droite et gauche dans des dilemmes à trancher au plus tôt. Mais pour l’Elysée, elle bouscule l’agenda et atteste d’une forme d’incapacité à mesurer les conséquences d’une politique mal assumée.
Emmanuel Macron aurait-il tué le père ? Passé du statut de conseiller privilégié à celui de ministre de l’Economie, l’homme s’est affranchi de François Hollande qui en avait fait son disciple au point de l’imaginer prendre sa suite en 2022. Mais la romance a tourné court et le prodige de la politique, ministre à 37 ans a décidé de voler de ses propres ailes. Il est vrai que les signes avant-coureurs n’ont eu de cesse de se multiplier : lancement en avril de son mouvement En marche, déclarations iconoclastes, tensions visibles en pleine séance au Parlement avec le Premier ministre…Bonjour l’ambiance ! La situation d’Emmanuel Macron devenait de plus en plus intenable et à vrai dire, non seulement il le savait mais il cultivait cette ambiguïté qui naturellement lui servait et le poussait inéluctablement vers la sortie du Gouvernement. Pourtant, si cette sortie arrange l’intéressé désormais libre de toute entrave mais qui ne l’exonère pas cependant de trouver, et dans les meilleurs délais, des soutiens lourds et puissants, elle a aussi pour effet d’accélérer le calendrier de François Hollande. Lui qui avait décidé de ne s’exprimer qu’en fin d’année va certainement devoir donner rapidement quelques signes sur ces intentions.
Piège et fumée blanche
Concrètement, quelle que soit sa décision, il faudra avant la fin de l’année laisser échapper quelques fumerolles blanches pour au moins donner une indication, sinon claire, du moins assimilable à une tendance. En démissionnant de son poste, Emmanuel Macron a considérablement perturbé l’agenda de François Hollande. Politiquement, la liberté d’Emmanuel Macron est un vrai handicap car l’homme peut attirer à lui centre-gauche et centre-droit, rallier à lui des sociaux-démocrates convaincus mais pas par le style de François Hollande désormais pris au piège. Car ce dernier, s’il décide de se présenter devra séduire et convaincre à nouveau l’aile gauche du Parti socialiste, militants et sympathisants compris. Exercice ô combien difficile tant le fossé, voire la rupture entre les deux camps est consommée et profonde. Si Emmanuel Macron peut, en cas de candidature, compter sur l’électorat centriste et social démocrate, François Hollande aura plus de mal à agréger le dit électorat. Entouré d’un halo de méfiance voire de défiance à gauche, piégé par Emmanuel Macron, le président de la République a vu s’envoler avec la démission de son ministre sa caution sociale-démocrate, celle-là même qui aurait pu le renvoyer à l’Elysée. Manque de lucidité, excès de prudence, mauvaise appréciation des capacités de nuisance d’un individu à qui l’on passait beaucoup et qui se retourne sans la moindre gratitude contre le père politique ? Autant de questions que se pose invariablement aujourd’hui François Hollande qui doit regretter non pas son virage social-démocrate mais son incapacité à l’avoir ouvertement assumée. Au final, Emmanuel Macron incarne à lui seul ce virage que le Président de la République a opéré ne comprenant pas qu’il serait à terme débordé et dépassé par un changement de politique pour laquelle il n’a pas été élu. L’art de la synthèse qui a longtemps marqué le style de François Hollande semble ici trouver ses propres limites. Elu par un peuple de gauche soucieux de progrès social et par un profond anti-sarkozysme, François Hollande a cru pouvoir jouer sur les deux tableaux en se posant comme un incontournable chef d’orchestre. (voir article sur lemonde.fr : Emmanuel Macron : « ll y a aujourd’hui une gauche du réel et une gauche statutaire»)
A fond de train
Si les frondeurs sont parfois apparus comme turbulents, François Hollande donnait cependant le sentiment de tenir le cap d’une sociale-démocratie qui avançait à pas feutrés (certes de moins en moins mais pas assez clairement pour Emmanuel Macron!). Malheureusement pour lui, Emmanuel Macron, chantre de l’exercice, a décidé de la faire courir ! Et à fond de train ! Laissant sur place un François Hollande abasourdi tant et si bien que le premier problème du locataire de l’Elysée n’est plus le candidat de la droite (Juppé, Sarkozy, Lemaire, Fillon,…) mais son ancien ministre. Car il va être périlleux d’attaquer Emmanuel Macron. Pourquoi ? L’attaquer c’est quelque par vilipender la sociale-démocratie incarnée par Emmanuel Macron mais voulue par François Hollande. Cornélien ! « Politique ! » diront d’autres. Certainement. Mais il est certain que si François Hollande risque de souffrir de la liberté de d’Emmanuel Macron, d’autres, et notamment à droite pourraient s’en mordre les doigts. D’Alain Juppé à Nicolas Sarkozy, le dynamiteur Macron pourrait provoquer de gros dégâts. Car là encore, lorsque que le jeune homme était ministre, il était malgré tout sous contrôle et tenu à une parole et une ligne gouvernementale qui certes lui déplaisaient (la preuve aujourd’hui), mais dont il était aussi comptable. A ce jour, son pouvoir d’attraction est tel, croissant en tous cas, que les prétendants de droite doivent s’en inquiéter. Deux options se posent à ces derniers : La course à la social-démocratie version libérale ou la course à la surenchère populiste prompte à séduire l’électorat frontiste. Ne pas choisir en optant pour les deux correspondrait à la tentation qui anime aujourd’hui François Hollande : courir simultanément après l’électorat de gauche et celui du centre. Ainsi, et quelque soit la décision d’Emmanuel Macron, l’homme a, par sa décision, provoqué un vent de panique sur l’échiquier politique. Reste à savoir qui ce vent emportera ?