La révolution et le robinet

En dépassant toutes les considérations politiques et économiques, la question de la gestion de l’eau renvoie l’Humanité à l’essence même de sa survie dans un contexte impérieux d’économie et de partage de la ressource. Mais qui y est réelement prêt ?

Les deux conceptions de l’utilisation de l’eau qui se sont physiquement affrontées dans les Deux-Sèvres samedi 25 mars démontrent toute la complexité de la question qui va opposer partisans et détracteurs des méga-bassines et plus largement de l’utilisation de l’eau en qualité de bien commun. Objectivement, il apparaît que chaque partie avance des arguments valables et crédibles. Pour les premiers, l’inutilité inique de conserver de telle quantité d’eau quand celle-ci vient à manquer ; pour les seconds, la nécessité de maintenir ce système de retenues d’eau afin de servir une agriculture productiviste sollicitée pour nourrir l’Humanité. Et en filigrane émerge la nécessité, mainte fois répétée, de changer nos habitudes et modes de consommation d’eau. Certes. La formule fait florès au point d’être sur toutes les lèvres et d’être devenue une expression fourre-tout brandie comme un glaive rédempteur. Mais que signifie réellement de changer de mode consommation d’eau ? Réduire le temps de nos douches ? Réduire la capacité des chasses d’eau ? Opter pour une agriculture moins consommatrice ? Développer des plantes moins gourmandes,…

Accès à l’eau

Les solutions ne manquent pas mais il convient surtout peut-être d’accepter le fait qu’à besoins constants, voire croissants, en eau, l’Humanité, dont les effectifs augmentent au fil des siècles (la population mondiale est estimée à 9,7 milliards d’habitants en 2050) est confrontée à la raréfaction drastique de l’eau. Au regard de ce constat, changer de mode de consommation signifierait surtout révolutionner nos sociétés contemporaines de sorte que toute l’Humanité est accès à l’eau* et que ceux qui en profitent largement apprennent à l’économiser. En théorie, le défi est relevable. Mais ancré dans des cycles économiques anciens sur lesquels reposent la prospérité de nombreuses sociétés, il est peu probable que la révolution attendue éclate un jour. Et à défaut de révolution consentie à l’échelle globale, c’est surtout une crise de subsistance mondiale qui risque de déchirer une Humanité obligée de survivre dans un contexte de partage imposé de la ressource. Que choisir dans cette optique entre irriguer un champ de blé et satisfaire les besoins essentiels en eau d’un ménage lambda (Hygiène et alimentation) ? La question se révélera vite cornélienne. Elle pourrait certes dans un premier temps être réglée financièrement via un quelconque dispositif de compensation mais à terme ? Quand ne coulera l’eau plus l’eau du robinet dans la cuisine mais que sera irrigué le champ de la maïs qui jouxte la demeure, où sera la priorité, qui sera en mesure de la poser et de l’expliquer ? La question de l’eau dépasse donc toutes les considérations politiques, industrielles, économiques et nationales qui ont prévalu jusqu’alors mais qui continuent cependant à rythmer notre rapport à l’utilisation de cette dernière. Car peut-être pour la première fois de son existence, l’Humanité est confrontée à une question sans réponse.

Note : *Près de 2,2 milliards de personnes ne disposent pas de services d’alimentation en eau potable gérés en toute sécurité*, 4,2 milliards sont privés de services d’assainissement gérés en toute sécurité et 3 milliards ne possèdent même pas d’installations de base pour se laver les mains

Du point mort à la sixième ?

Le recours par le Gouvernement à l’article 49.3 afin d’adopter la réforme des retraites met en évidence les limites constitutionnelles d’une République désormais inadaptée aux attentes des citoyens. D’une crise politique, la France est passée à une crise de régime.

Qu’elle soit jugée injuste et inique, le jugement que l’on peut porter sur la réforme des retraites appartient désormais au passé. Pour autant, la tension qu’elle a créé par son contenu a désormais été remplacée par la manière dont elle a été adoptée en vue de son inscription au Journal officiel dans les jours à venir. Ainsi, en ayant recours à l’article 49.3 de la Constitution qui permet au Gouvernement de s’affranchir du vote de la Représentation nationale, ce dernier a escamoté non seulement l’un des fondements essentiels de la démocratie, à savoir le vote des députés, mais aussi terni un plus l’image de la Vème République qui prouve, ici plus que jamais, son inadéquation avec la structure sociale de la France du XXIème siècle.

Réalités et décalages

Là encore, le recours à l’Histoire s’avère utile et éclairant. Conçue en 1958 afin de stabiliser la vie politique d’un pays déchiré par une succession sans fin de cabinets ministériels, la Vème République s’appuyait sur une société française soucieuse d’équilibre et de quiétude, écœurée de débats politiciens stériles, et alors que se dessinaient les grandes heures des Trente Glorieuses. Mais soixante-cinq ans plus tard, alors que la France, est entrée comme bien d’autres pays, dans l’ère post-industrielle et post-moderne, il s’avère que la constitution de 1958 ne répond plus aux attentes de citoyens. Pourquoi ? Car les électeurs, quels qu’ils soient, sont désormais soucieux du fait que leurs voix soient entendues et prises en compte et ce dans leur immense diversité. Certes, le passage en force opéré par le Gouvernement peut traduire de nombreuses réalités : isolement politique, faiblesses structurelles de la loi, fragilité de la majorité et de ses alliés, tensions au sein même de la majorité. Mais avant d’être un quelconque témoin de réalités fondées ou fantasmées, il est surtout un outil dépassé dans une démocratie qui se veut moderne et modèle. La Constitution de la Vème République, voulue à l’image du Général de Gaulle, figure tutélaire d’une nation humiliée en 1940 en quête de reconnaissance et de renaissance à l’orée des années soixante, ne correspond plus d’évidence au schéma social et politique de la France d’aujourd’hui. Et l’article 49.3, véritable outil anti-démocratique, imaginé afin de s’exonérer des hésitations et des atermoiements de la représentation nationale jugée passionnée et versatile, incarne à lui seul le décalage qui existe entre Gouvernement et volonté citoyenne. A l’heure où circulent sans frein et sans barrière la parole et les idées sur les réseaux sociaux, où le débat, pertinent ou pas, s’invite sur la Toile pour rejaillir dans la sphère publique, et alors que le paysage politique se morcelle toujours un peu plus, il apparaît comme presque naturel de repenser notre démocratie. Car d’une crise politique, la réforme des retraites adoptée au forceps, nous sommes passés à une crise de régime, lourde et périlleuse, à même d’interroger sur le devenir de nos institutions. Et se pose désormais une question simple : la Vème République doit-elle céder la place à la Sixième qui dés lors évacuerait l’article 49 ou doit-elle encore s’enliser dans le risque de nouvelles crises de régime ?

Du travail ! Mais pour quoi ?

Si la mobilisation contre la réforme des retraites ne faiblit pas, celle-ci pose aussi en filigrane le rapport que la société entretient avec la valeur travail et plus largement au sens donné à celle-ci ainsi qu’au travail en tant que tel.

Dire que l’opposition née de la réforme des retraites voulue par le Gouvernement est le fruit d’un rapport d’aliénation des Français au travail est devenu un lieu commun. Si bien qu’aujourd’hui d’autres raisons tendent à expliquer les tensions qui entourent la réforme actuellement examinée par le Sénat avant de retourner devant l’Assemblée nationale pour le vote d’adoption ou de rejet. Ces raisons liées à la volonté des salariés de pouvoir profiter de leur vieillesse et plus globalement de s’affranchir de toutes les obligations professionnelles sont naturellement légitimes et parfaitement audibles. Pour autant, elles occultent peut-être la raison ultime, à savoir que, aliénant, le travail est aujourd’hui devenu pour beaucoup une souffrance tant à la fois physique que psychologique. Nerveusement épuisant ou physiquement exigeant, le travail est désormais subi et non vécu, à des degrés divers selon le secteur d’activité dans lequel l’on évolue mais celui-ci reste malgré tout source de mal-être plus que de bonheur.

Démographie et compétition

Ainsi, nombreux sont celles et ceux à s’interroger sur la valeur travail, à savoir ce que le travail apporte, indépendamment de l’aspect financier, socialement et humainement au regard des concessions que celui-ci impose. Autre questionnement, implicite aussi, le sens que chacun cherche dans son travail ou le sens, en tant que tel, du travail effectué. Le sujet, qui relève plus de la sociologie et de la psychologie, que d’un argument démographique, à la valeur technique pour ce-dernier, franchit rapidement les frontières du débat classique et éculé posé par l’envie de profiter de sa vieillesse ou de s’exonérer des obligations professionnelles. Car comme toute société, le travail a aussi évolué et mûri au fil des siècles. La perception de celui-ci n’est plus nécessairement la même que celle qui prévalait il y a cinquante ou quarante ans. Devenu souffrance, espace de compétition psychologiquement éprouvant, soumis à des cycles économiques où alternent plein emploi et chômage de masse, le travail est quasiment devenu le meilleur ennemi des salariés. Indispensable économiquement et financièrement, le travail s’avère aussi cruel et cannibale tant il est capable d’engloutir des individus contraints de s’y plier pour assurer leur survie. Naturellement, une analyse plus fine des détracteurs de la réforme prouve que ce sont les catégories les plus exposées et les plus fragiles qui dénoncent en majorité le recul de l’âge de la retraite. Il serait difficile de les blâmer mais elles restent aussi un témoin de la nécessité de repenser le travail pour les années à venir. Doit-il rester un vecteur de survie économique ou doit-il se muer en vecteur de lien social ? Mais dans une société mondialisée où le libéralisme s’est imposé sans coup férir, imaginer une telle mutation reviendrait à changer non seulement la vocation première du travail mais aussi de modèle économique mondial. Et qui est prêt à cela ?

La Chine d’après

Alors que s’éternise le conflit russo-ukrainien, la Chine, toujours soucieuse d’anticiper son avenir, se pose en qualité de médiateur pour séduire des Occidentaux vitaux pour son économie mais aussi pour préparer une redistribution géopolitique post-poutine. Explications.

Toujours discrète lorsqu’il s’agit de sa diplomatie, la Chine n’a donc pas failli à sa réputation en essayant depuis quelques jours de se poser en médiateur entre la Russie et l’Ukraine afin que prenne fin le conflit qui oppose les deux nations slaves. De prime abord, d’aucuns loueraient cette initiative qui, si elle portait ses fruits, mettrait un terme aux combats. Pourtant, il ne faut pas voir dans ladite initiative une bienveillance nouvelle ou une attention particulière de la Chine pour le sort de l’Ukraine ou de l’Europe, mais l’ancien Empire du Milieu sait combien cette guerre qui s’éternise représente un danger extrêmement sérieux d’un simple point de vue économique. La Chine, qui se targue d’être le deuxième partenaire commercial (soit un montant 428 milliards d’euros de transactions de biens marchands entre la Chine – Europe) de l’Europe a donc tout intérêt aujourd’hui à se montrer conciliante et ouverte à toutes discussions concernant le conflit ukrainien d’où le rôle qu’elle cherche à endosser. Second point, Pékin, conscient que la défaite de Vladimir Poutine acterait la fin politique de ce dernier tout comme du poids grandissant de la Russie, notamment en Afrique où la Chine tend à se développer par le biais de diverses entreprises, envisage déjà de prendre la place d’une Russie sur le déclin, épuisée par une guerre continentale dans laquelle elle s’enlise de jours en jours.

Tensions et émergence

La Chine de Xi Jinping, qui préférera toujours la continuité au chaos et à la rupture, a depuis longtemps cerné les conséquences du conflit européen. Une victoire de la Russie se solderait par une hausse des tensions diplomatiques sur le continent avec la nécessité pour l’Empire du Milieu de choisir ses alliés : soit la Russie au risque de perdre tout ou partie de ses relations commerciales avec les Européens et Occidentaux, Etats-Unis compris ; soit prendre le risque d’abandonner la Russie en optant pour un choix purement économique en se tournant vers l’Europe. Et il semble qu’en se posant en qualité de médiateur, Pékin a tacitement fait son choix ayant cyniquement intégré le fait que Vladimir Poutine serait, tôt au tard, poussé hors du pouvoir. Il suffit à ce titre de s’attarder sur la déclaration du conseiller d’État et Ministre des Affaires étrangères de Chine, Wang Yi, qui rappelait récemment qu’il n’y a pas de conflits d’intérêts fondamental entre la Chine et l’Union Européenne. De son côté, nation vieillissante, au PIB peu ou prou égal à celui de l’Espagne (1,427 billions de dollars contre 1,779 billions de dollars pour la Russie), la Russie n’est plus le pays émergent qu’elle se vantait d’être au début des années 2000. Sclérosée par l’omnipotence de Vladimir Poutine, la Russie ne doit aujourd’hui son salut qu’à de rares alliés auxquels elle vend son pétrole à des tarifs inférieurs à ceux du cours officiel.

Réputation et probabilité

Et Pékin, sensible au temps long mais peu à l’immédiateté, a compris détenir tout le temps nécessaire pour se poser patiemment en seul interlocuteur d’Européens désireux, sans l’avouer ouvertement, de se défaire de Vladimir Poutine, devenu trop gênant et avec lequel les collusions passées sont elles aussi remontées à la surface, entachant la réputation d’un continent, et de l’Union Européenne, bercés les principes des Droits de l’Homme peu respectés en Russie à ce jour. Est-ce à dire que cette guerre russo-ukrainienne, serait une opportunité pour Pékin de se défaire d’un allié russe désormais trop encombrant, de s’allier des Occidentaux prêts à beaucoup de concessions et autres compromis pour eux-aussi pousser vers la sortie Vladimir Poutine ? Chacun apportera sa réponse à l’aune de ses convictions mais il apparaît probable que le conflit en cours permettra à la Chine de redorer son blason diplomatique, notamment après l’épisode de tensions liées à Taiwan qui avait accru l’inimitié sino-américaine, mais aussi en qualité d’interlocuteur crédible à l’échelle globale fusse au détriment de la Russie.

Penser la paix, éviter la guerre

La volonté du Président Macron de ne pas humilier la Russie au lendemain du conflit dépeint l’ambition de l’exécutif d’anticiper des relations diplomatiques apaisées avec Moscou. Mais attention à ne pas pousser l’Ukraine à trop de concessions au risque de blesser Kiev et alimenter de nouvelles tensions.

En affirmant qu’il souhaitait la défaite de la Russie sans pour autant que celle-ci soit écrasée, Emmanuel Macron, affiche clairement ses intentions, et celles de la diplomatie française avec lui, à savoir préparer l’avenir de relations franco-russes post-conflit et plus largement des relations russo-occidentales, avec ou sans Poutine. Du côté du Kremlin, les déclarations du président français, jugées sans valeur, témoigneraient, toujours selon le Kremlin, de la volonté d’Emmanuel Macron et des Occidentaux de changer le régime qui prévaut actuellement en Russie. Ces déclarations, qui interviennent à un moment crucial du conflit, résonnent de manière très singulière puisque à l’heure où l’Ukraine s’apprête à recevoir de nouveaux armements, dont des avions de guerre, susceptibles d’interférer dans le cours de l’affrontement et ce en faveur du pays agressé. Toujours est-il qu’il semble désormais évident que les Occidentaux se penchent désormais plus sur l’après-conflit, et sur les rapports qu’il conviendra d’entretenir avec la Russie, que sur le conflit en tant que tel, même si celui-ci reste une préoccupation première.

Indépendance bafouée et issue unique

Pour autant, indépendamment des propos tenus par Emmanuel Macron, cet après conflit ne pourra se concevoir sereinement que si Vladimir Poutine quittait le pouvoir. Il serait en effet difficile pour l’Occident de traiter avec un homme et un pays qui ont délibérément bafoué l’indépendance et l’intégrité territoriale d’une nation souveraine au regard des principes défendus par les alliés de l’Ukraine. Difficile oui mais pas nécessairement impossible car si la Russie devait perdre cette guerre, rien ne serait pire que de l’humilier dans une forme de diktat implacable qui la rendrait potentiellement encore plus agressive, a fortiori si Vladimir Poutine devait rester au pouvoir. En revanche, une éviction en douceur de l’homme fort du Kremlin ouvrirait de nouvelles perspectives sur un continent aujourd’hui clairement coupé en deux. Quid donc de la portée des déclarations du président français ? Il est périlleux d’un point de vue diplomatique de n’imaginer qu’une seule issue à un conflit ou à une crise. Or, si mettre fin à cette guerre est devenue une priorité et tout d’abord pour le peuple ukrainien, il apparaît aussi que la marge de négociation s’avère extrêmement réduite pour plusieurs raisons. L’Ukraine entend récupérer les territoires perdus depuis le début du conflit en février 2022 mais aussi la Crimée annexée par la Russie en 2014 ; la Russie quant à elle n’entend abandonner ni le Donbass ni la Crimée.

Haines cuites et compromis

Dialogue de sourd et impasse diplomatique qui, si elle n’est pas résolue, nourrira un conflit loin de s’éteindre tant que l’une ou l’autre partie n’acceptera de concessions. D’où, in fine, le sens des propos du Président Macron, conscient de l’aspect jusqu’au-boutiste des deux belligérants, qui a compris, avec d’autres, que l’issue du conflit devrait impérativement éviter de terrasser l’un ou l’autre pays engagés au risque d’alimenter de profondes rancunes vite transformées en haines cuites et recuites. Ce conflit, d’essence régionale mais à dimension mondiale, qui n’a rien de nouveau dans son déroulé, se veut inédit de part les conséquences calamiteuses dont il pourrait accoucher s’il devait se solder par une capitulation de l’un ou l’autre. Si ne pas humilier la Russie est un impératif, ne pas pousser l’Ukraine à de trop nombreux compromis pour justement ménager une Russie blessée, est indispensable. En outre, cette dernière appelée à intégrer l’Union Européenne, serait un jour en droit, de demander une aide plus que matérielle si une nouvelle agression russe survenait. Autant de raisons à intégrer afin de poser les bases d’une paix durable entre les deux pays.

De global à régional

Le conflit russo-ukrainien qui ne cesse d’interroger sur son issue tend à progressivement s’installer dans le paysage géopolitique mondial au point de présenter tous les aspects d’un conflit de portée globale mais à la dimension strictement régionale. Explications.

Alors que s’approche la date anniversaire de l’agression russe en Ukraine, agression qui a débuté le 24 février 2022, se pose désormais la question de l’issue du conflit. Annoncée comme éclair par Moscou voilà un an, la guerre s’est enlisée dans une inertie à même de briser les espoirs de règlement rapides nourris par Moscou. Car les faits ont donné tort à Vladimir Poutine, surpris et irrité par la résistance ukrainienne mais surtout par la réaction des Européens et des Etats-Unis, tous réunis sous la bannière de l’OTAN, pour aider matériellement le pays présidé par Volodymyr Zelensky. Ainsi, est-on entré dans une forme de conflit d’usure qui, chaque jour passé, épuise un peu plus les ressources de tous les belligérants. Mais pour revenir à la question initiale, à savoir quand le conflit s’achèvera, nombreux parient, soit sur une paix négociée où l’Ukraine céderait les territoires conquis par Moscou, solution impensable pour les Ukrainiens, soit par une capitulation de l’une ou l’autre partie. Et il semble au regard de la situation actuelle que ni l’Ukraine, ni la Russie ne sont prêtes l’une ou l’autre à hisser le drapeau blanc. Est-ce à dire que ce conflit va donc s’inscrire dans la durée au point d’intégrer le quotidien géopolitique, voire se banaliser comme le furent d’autres conflits dans le passé, à l’image de la guerre civile qui ensanglanta le Liban de 1975 à 1990 ?

Enkystement et nouvelle donne géopolitique

Le bloc occidental, qui a décidé de faire front derrière l’Ukraine, en annonçant de nouvelles livraisons d’armes, ou la Russie finalement peu handicapée par les sanctions économiques prises à son encontre, donnent le sentiment de se préparer à un conflit de très longue durée qui s’enkysterait pour devenir une des composantes de la nouvelle donne géopolitique mondiale. La Chine, peu encline à s’engager dans le conflit au risque d’envenimer plus encore ses relations avec les Etats-Unis, se posera en allié objectif de l’Ukraine en préférant limiter son soutien à la Russie de Vladimir Poutine. Quant à la Russie, piégée dans une guerre conventionnelle que la durée pourrait faire flancher du côté occidental, cette dernière sait que toute utilisation, même limitée de l’arme nucléaire, entraînerait une réaction en chaîne incontrôlable dont elle ne souhaite endosser ni la responsabilité encore moins les conséquences. Donc, tous les ingrédients pour un conflit long et coûteux sont ainsi réunis. Et preuve que la guerre russo-ukrainienne tendrait à se banaliser, les prix de l’énergie, notamment du gaz ont reflué à des niveaux inférieurs à ceux qui prévalaient avant le conflit. Cette banalisation du conflit, qui semble aussi avoir été intégrée par les marchés boursiers et les acteurs économiques mondiaux, surpris aux premières heures du conflit, serait même en passe de relancer l’économie de l’armement militaire que la paix mondiale et les tensions apaisées avaient poussé dans une forme de léthargie dont beaucoup s’accommodaient aisément.

Conflit mondial et régional

Ce conflit porteur de changements diplomatiques et géopolitiques certains a aussi été l’opportunité pour des nations marginalisées, telles que la Turquie de Recep Erdogan, de se poser en médiateur sans pour autant, par ailleurs, en tirer un avantage international. Et parallèlement, de conflit à portée mondiale qu’il a toujours été, la guerre russo-ukrainienne est sur le point de devenir, ou de s’affirmer comme tel, en conflit régional, que les soutiens extérieurs, officieux ou officiels, parviennent à circonscrire. Et la question de l’avenir de l’affrontement, comprenez, quand celui-ci prendra-t-il fin de se poser à nouveau. Peut-être dans plusieurs années, quand Vladimir Poutine aura quitté le pouvoir (Rappelons que la Constitution russe lui permet de rester au pouvoir jusqu’en 2036), quand l’un des deux pays sera totalement épuisé ou exsangue…Bref ! Les possibilités sont nombreuses mais pour l’heure, aucune ne semble à l’ordre du jour.

Un ballon qui en dit long

Le regain de tensions entre Pékin et Washington, lié à l’affaire du ballon espion, révèle aussi la volonté de Pékin de réintégrer le jeu diplomatique mondial après le fiasco de la gestion de la énième vague de Covid et la résistance passive de Taiwan peu impressionnée par le dragon chinois.

Rocambolesque. C’est certainement le terme qui conviendrait le mieux pour décrire les origines de l’incident diplomatique entre la Chine et les Etats-Unis et qui s’est articulé autour d’un ballon-espion naviguant au-dessus du territoire nord-américain. Banale affaire d’espionnage diront certains, et à raison, car il est aussi fort probable que les Etats-Unis espionnent par d’autres biais, ou pas d’ailleurs, la Chine. Mais passée au prisme du contexte géopolitique actuel, il apparaît finalement que cette affaire n’a rien d’anodin. Ainsi, alors que l’Europe se débat avec une guerre où chacun, de Kiev à Moscou, compte ses alliés, la Chine de Xi Jinping a peut-être aussi voulu montrer aux Occidentaux et à Washington en particulier que Moscou, tout comme Kiev avait des alliés lourds, équipés et susceptibles d’interférer dans le conflit.

Marginalisation

Plutôt que de s’impliquer par le biais de livraisons d’armes ou l’envoi de soldats sur le sol ukrainien ce qui ne manquerait pas de provoquer une réaction en chaîne à même de générer de potentielles représailles occidentales, la Chine a ainsi mis en évidence les moyens dont elle disposait pour incommoder son meilleur ennemi, à savoir les Etats-Unis, agacés et irrités par la manœuvre plus que par le ballon en tant que tel. Car nul ne sera assez naïf pour penser que ce geste n’était qu’un simple accident, une coïncidence malheureuse ou fortuite, quand ces mêmes Etats-Unis ont renouvelé leur soutien à Kiev à la grande colère de Vladimir Poutine. Mais la dimension ukrainienne n’est peut-être pas la seule. Quelque peu marginalisé après sa récente vague de Covid-19, ballottée par la résistance passive de Taïwan soutenue par les Etats-Unis, Pékin a certainement cherché aussi à se rappeler au bon souvenir de la communauté internationale en démontrant encore une fois aux Etats-Unis qu’elle était une puissance qui comptait, capable de se projeter en dehors de ses frontières et ce même si le ballon en question a été impitoyablement abattu par les Etats-Unis. La tension, née de cet incident, qui retombera d’ici quelques jours, au plus tard quelques semaines, démontre, si besoin était que les griefs qui opposent Pékin et Washington sont toujours aussi vivaces et ne semblent pas prêts de s’éteindre. Ils démontrent aussi surtout combien le point d’équilibre mondial n’est pas à rechercher entre Moscou et Washington mais bien entre Pékin et Washington. Et à ce jeu diplomatique ce pourrait bien être la Russie de Vladimir Poutine qui risque de faire les frais de l’indispensable détente entre l’Empire du Milieu et la patrie de l’Oncle Sam, le premier des deux étant conscient de l’aspect impérieux de maintenir des relations à minima cordiales avec le second, quitte à sacrifier l’allié russe.

La retraite et le futur

Alors que s’annonce une nouvelle journée de manifestation contre le projet de réforme des retraites du Gouvernement, une analyse des réalités sociales et économiques s’impose dans une logique d’anticipation de longue durée. Explications.

Il va falloir s’y habituer. Les réformes des retraites sont comme le changement climatique global : inéluctable. Plus concrètement, le plan présenté par le Gouvernement français, qui n’a de cesse de provoquer la ire du pays au regard de la proposition phare du projet qui est de repousser l’âge légal de départ à 64 ans, ne se projette pas au-delà de 2030. C’est dire combien la proximité de cette date est particulièrement révélatrice de plusieurs réalités qu’il conviendra d’accepter dans les années à venir au risque de relancer régulièrement le débat sur la question et d’amener à de énièmes réformes. Tout d’abord, première réalité, la faiblesse démographique de la France, qui n’est d’ailleurs pas la seule dans ce cas, pèse lourdement sur l’avenir des systèmes de retraites. Le renouvellement insuffisant des générations (1,8 enfants par femme) ne permet pas en effet de s’appuyer sur ces dernières pour espérer sauver un système par répartition qui souffre de plus en plus.

Scénario ou constat

Second élément, il faudra, et ce dans les meilleurs délais, et sans être obsédé par l’inflation qui finira par s’atténuer, accepter une hausse significative des salaires et des traitements qui permettront, dernier point, d’augmenter les cotisations. Mais ce scénario, qui tient plus du constat et de la prospective s’inscrit dans une logique de maintien du système de répartition qui s’appuie sur les cotisations des actifs au profit des retraités. Autre réalité à laquelle il faudra peut-être se convertir, longtemps érigée en tabou, amener les retraités à participer à l’effort global. Mais dans quelle mesure et quel montant ? Qui sera éligible à une exemption au regard de la faiblesse de certaines pensions ? Comment amener l’opinion à une telle décision qui jetterai un regard nouveau sur la retraite et les retraités en faisant, de fait, de ces derniers des actifs indirects ? Il ne s’agit plus là d’une simple question de financement mais bien de choix de société car elle obligerait tous les actifs actuels à s’interroger sur la notion de même de retraite qui subodore par essence une forme de marginalisation de la vie active. Autant de solutions admises, ou qui le seront peut-être un jour, et qui fleurissent à chaque débat sur les retraites.

Tabou de la capitalisation

Une autre option consisterait aussi à penser que la France n’a plus nécessairement les moyens de financer les retraites qu’elle attribue à ce jour. Mais, et à raison, d’aucuns crieront à l’injustice arguant du fait que si les anciens ont profité du système, les actifs actuels sont en droit d’y prétendre. Débat sans fin aux accents tautologiques qui pousse à avancer le dernier grand tabou en la matière, la retraite par capitalisation. Honnie pour son aspect inégalitaire car fondée sur la capacités de chacun à se constituer un capital tout au long de sa vie via différents produits bancaires ou boursier, l’idée d’une retraite par capitalisation pourrait cependant dans les années à venir refaire surface. Pas nécessairement dans sa version la plus libérale mais fruit d’un amalgame à étudier entre système par répartition et capitalisation. Et au vu des projections proposées par le Conseil d’orientation des retraites (qui ne prévoit de déficit du régime que dans un cas sur quatre), toutes les solutions méritent d’être étudiées car in fine ce qui importe avant tout c’est que chacun puisse vivre sa retraite et sa fin de vie dans la tranquillité financière et la dignité.

Du pavé à la table

Les tensions sociales liées à la réforme des retraites et les risques de paralysie du pays soulèvent à nouveau l’idée d’une solution à trouver par la voie de la négociation plutôt que par la manifestation. Explications.

Souvent vanté, voire admiré, mais finalement rarement, ou maladroitement, imité, le modèle allemand pourrait en ces temps de tensions sociales liées à la réforme des retraites, être fort utile. Par l’art de la concertation et du compromis, hérité d’une longue histoire syndicale et progressiste née au XIXème siècle, l’Allemagne sait éviter les conflits sociaux lourds tels que ceux qui se profilent en France. Dans l’Hexagone, les thuriféraires de la manifestation, dont l’ampleur a pour vocation tant d’impressionner que de pousser les gouvernements successifs à céder aux manifestants, peinent à adopter cette culture de la négociation jugée avec méfiance et toujours considérée comme favorable aux initiateurs des réformes contestées. La France, pays sanguin, a toujours donc préféré dans un premier temps la révolte à la discussion.

Action syndicale

Notre Histoire en témoigne avec dans nombre de mémoires, les conséquences heureuses issues des l’occupation des usines et des grèves de 1936. Certes, cette histoire qui reste gravée dans les annales syndicales est encore érigée tel un totem intouchable. Et à raison car d’autres grands mouvements de grève, notamment ceux de 1995 et 2006, respectivement contre la réforme de retraite devant démanteler les régimes spéciaux proposée par le gouvernement d’Alain Juppé et celle du Contrat Première Embauche du gouvernement de Dominique de Villepin, ont poussé les gouvernements en place à céder. Pour autant, la confrontation de masse est-elle encore productive ? La question peut se poser sans nécessairement porter atteinte à l’action syndicale. Ainsi, entamer un processus de négociation avec le gouvernement avec non seulement toutes les organisations syndicales représentatives mais aussi tous les représentants des branches professionnelles affiliés ou non à une quelconque organisations permettrait d’aborder toutes les difficultés rencontrées par chaque profession. Le processus, certes long et complexe, aurait aussi le mérite d’impliquer dans la négociations tous les ministères potentiellement concernés, tout comme les représentants des PME / TPE, permettrait d’engager des négociations salariales de fond dans l’ensemble des branches tout en analysant, avec propositions à la clef, les attentes de chaque secteur d’activité.

Romantisme et grand soir

D’aucuns, partisans d’une opposition franche destinée à faire plier le gouvernement, balaieraient cette idée en privilégiant le statu quo pour diverses raisons : histoire de luttes syndicales passées, multiplicité des profils à considérer,…Toutes ces arguties sont évidemment valables et audibles mais ont-elle encore une raison d’être alors que le nerf central du système des retraite, à savoir la démographie, est en berne ? Si la manifestation reste teintée d’une forme de romantisme syndical où s’invite les frissons de grand soir, celle-ci incarne surtout une logique binaire où s’oppose le bien contre le mal sans laisser de place aux solutions intermédiaires et présente aussi le risque de déboucher sur une paralysie du pays. In fine, se pose une seule question : Comment sauver notre système de retraite par répartition dans un contexte démographique et social tendu ? Concertation ou manifestation, la solution reste à trouver.

Les retraites ? Une question d’enfant !

Cristallisant toutes les passions sociales, la réforme des retraites s’inscrit dans la continuité de celles qui l’ont précédée : rallonger la durée de cotisation pour sauver le système par répartition. Mais la question centrale ne serait-elle pas plus démographique qu’économique ?

Mais pourquoi les réformes touchant au système de retraite provoquent-elles autant d’agitation sociale au point de cristalliser une grande partie de l’opinion contre une énième réforme, voulue par le Premier Ministre, Elizabeth Borne et le Président de la république, Emmanuel Macron. Pourtant, au regard de la situation actuelle, il est fort à parier que dans les années à venir, la question du financement des retraites sera à nouveau un enjeu social et politique majeur. Plusieurs raisons sont susceptibles d’expliquer les tensions autour de cette question. Tout d’abord, ces mêmes tensions mettent en évidence le rapport au travail que nombre d’entre nous entretiennent. Ce dernier, souvent subi plus que vécu, est fréquemment abordé, notamment pour la génération née juste après le Baby Boom (1945 – 1965), comme une contrainte lourde et pénible, qui n’a pas nécessairement donné satisfaction tant il aura fallu se battre pour en obtenir un emploi en raison des aléas économiques divers. Donc, pour beaucoup, repousser l’âge de départ, c’est souvent prolonger une souffrance, une aliénation au travail qui doit cesser.

Taux faible

Pour autant, passée l’approche affective que met en lumière le rapport au travail, il apparaît une autre problématique, intrinsèquement liée à la question du financement, rarement abordée mais pourtant cruciale : celle de la démographie. Avec un taux moyen de fécondité de 1,84 enfants par femme, la France n’accueille pas assez de naissances. Voilà une réalité qu’il convient de mettre en avant avant les questions de report de l’âge de départ qui reste conditionné par le nombre d’individus en âge de travailler par génération actuelle et à venir. Pour ainsi être dans une situation qui lui permettrait de s’affranchir de réformes successives en matière de retraite, le taux d’enfants par femme devrait être en France, de 2.2 voire 2.3. Or la question démographique est aussi liée au rapport que les jeunes générations en âge de procréer (20 – 39 ans) entretiennent à la parentalité. Si pour la génération de leurs parents, celle-ci était centrale, répondant à un triptyque hérité de leurs propres parents, à savoir : un emploi – un logement – des enfants, la parentalité n’est plus une priorité pour nombre de générations citées précédemment. Rapport à l’emploi et à l’épanouissement par le travail différents, crainte de l’avenir au regard des enjeux climatiques, montée de l’individualisme et d’une forme d’hédonisme sont autant, parmi d’autres explications, de raisons qui peuvent justifier la baisse de la natalité en France et dans d’autres pays du monde plus gravement touchés que l’Hexagone.

Démographie en berne

L’Italie s’appuie sur un taux de 1.24, et 1.34 pour le Japon, 1,57 pour l’Allemagne et 1,72 pour les Etats-Unis. Naturellement, chaque taux est à étudier en fonction de la situation démographique et économique de chaque pays, mais il est clair qu’une démographie en berne dans des pays dits développés est un facteur d’allongement de la durée de cotisation parmi d’autres éléments à considérer telles que le nombre d’actifs, le nombre de retraités, l’état des finances publiques,….Ainsi, passées les considérations sociologiques que chacun peut entretenir au travail et réagir en fonction de ces dernières au contenu de la réforme des retraites à venir ou des futures, il convient de rappeler que toutes seront implicitement dictées par la démographie, bien plus que par les réalités économiques et sociologiques qui n’en sont que les conséquence et non les causes.