Kiev ou Rafah ?

Si la Russie de Vladimir Poutine semble tirer de nombreux avantages du confit entre le Hamas et Israël, celui-ci est aussi aidé par la sensibilité historique du Moyen-Orient aux soubresauts des acteurs qui le composent. Essai d’explication.

D’un point de vue politique, militaire et tactique, il faut reconnaître que l’ouverture d’un front au nord de Karkhiv par les forces russes, sans relever du génie, est finement bien joué, et ce pour plusieurs raisons. La première est que dans l’attente des armes et des crédits l’un et l’autre alloué par les Etats-Unis, l’Ukraine se retrouve dans une situation des plus inconfortable : Manque d’hommes et de munitions, territoire chaque jour amputé plus encore que la veille,…autant d’éléments qui travaillent à la réussite de l’opération lancée par Vladimir Poutine voilà plus de deux ans. La seconde est que, obnubilée par le conflit entre le Hamas et Israël, l’attention mondiale s’est focalisée depuis le 7 octobre dernier sur le Proche-Orient faisant de Moscou le vainqueur objectif de la confrontation entre le mouvement terroriste et l’État hébreu. Il n’en fallait pas tant à Vladimir Poutine pour lui permettre de poursuivre sa campagne contre Kiev. La situation actuelle se veut ainsi assez explicite, pour ne pas dire évidente, sur le poids du conflit russo-ukrainien dans l’opinion publique internationale.

Hiérarchie du désespoir

Longtemps au rang des préoccupations diplomatiques mondiales, le conflit en Europe de l’Est s’est soudainement vu supplanter par celui qui agite depuis plus d’un demi-siècle désormais le Moyen-Orient. D’aucuns y verraient une forme de cynisme (la diplomatie en est cependant remplie) quand d’autres crieraient au scandale arguant du fait qu’un conflit, quel qu’il soit, n’est pas plus important qu’un autre, qu’il n’existe pas de hiérarchie dans la détresse et le désespoir suscité par l’un ou l’autre. Cette dernière thèse s’avère d’un point de vue moral et humain des plus justes, mais force est de constater que certaines régions du monde sont plus sensibles que d’autres, de par leur histoire mais aussi de par les acteurs qui s’y expriment. Le trio infernal composé de l’Iran, d’Israël et des Etats-Unis suffit à lui seul à focaliser toutes les attentions car tous, excepté les Etats-Unis, savent se révéler éruptifs et impulsifs au point d’enflammer définitivement et cruellement la région. La proximité, qui plus est, des aires pétrolifères (Golfe Persique, Arabie Saoudite, Qatar, Koweit, Irak) renforce ce sentiment de crainte. Est-ce à dire que l’Ukraine et ses libertés sacrifiées pèsent moins dans la balance diplomatique ? Il appartient à chacun de répondre à cette question mais il n’est pas interdit de penser que parce que dénuée de toutes matières premières énergétiques vitales, l’Ukraine avait, bien avant le 7 octobre dernier, commencé à perdre tout intérêt au yeux des chancelleries occidentales, certaines optant tacitement pour un enlisement et l’aboutissement à un statu quo général du conflit, d’autres pour une aide mesurée à accorder, aide suffisamment substantielle pour conférer à Kiev le sentiment de ne pas l’abandonner sans pour autant trop s’engager et ainsi éviter les conséquences qui pouvaient en découler. Dilemme diplomatique s’il en est…Mais pour l’heure, une réalité s’impose : l’ouverture d’un nouveau front en Ukraine par la Russie et la menace d’une opération militaire d’ampleur à Rafah (Bande de Gaza) tiennent en haleine les différentes chancelleries. A savoir, qui de l’ouverture du nouveau front ou de la menace israélienne sur Rafah sera la plus scrutée ?

Pari risqué à Tel Aviv

Convaincu de la nécessité de poursuivre les hostilités contre le Hamas dans la Bande de Gaza, et ce en dépit d’un espoir de trêve, Benyamin Netanyahou donne aujourd’hui le sentiment de mener plus une guerre personnelle dont dépend sa survie politique qu’une offensive à visée purement défensive.

S’il y avait dans l’entêtement de Benyamin Netanyahou ne serait-ce qu’une once de pertinence tactique et militaire, l’offensive terrestre que s’apprête à lancer le Premier ministre israélien pourrait, à la rigueur, être comprise sans pour autant recueillir tous les suffrages lui donnant quitus. Alors quelles raisons Benyamin Netanyahou  poussent à entreprendre cette action militaire, seul contre tous, les Etats-Unis, pourtant soutien inconditionnel de l’État hébreu, ayant émis les plus grandes réserves quant à la nature, l’objet et la rationalité de cette offensive ? La première des raisons, et certainement la principale, est que Benyamin Netanyahou  joue son avenir politique via cette guerre devenue une affaire personnelle.

Rancoeur croissante

Conscient que les renseignements intérieurs israéliens ont fauté en étant incapables de déceler les signes de l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, cerné par des affaires de corruption, talonné par les ultra-orthodoxes assurant en partie sa majorité à la Knesset et fervent partisans de la colonisation, Benyamin Netanyahou  n’a d’autres choix que de gagner cette guerre qui ressemble plus aujourd’hui à une vendetta, voire à un affrontement personnel, qu’à un conflit sensé assurer la sécurité d’Israël. Cette antienne, répétée à l’envi depuis la création de l’État hébreu en 1948, prend toutefois désormais une connotation qui s’éloigne du fil rouge initial qui était d’assurer au peuple israélien, et c’est son droit, une vie paisible et pacifique. Car outre les bombardements actuels sur la bande de Gaza et le contrôle de Rafah en particulier, cette guerre contre le Hamas, désormais prêt à une trêve à laquelle s’oppose Israël en raison de la détention des otages israéliens par le mouvement terroriste, nourrit parallèlement une rancoeur croissante contre l’État hébreu qui se traduit à l’échelle internationale par la multiplication des actions de contestation notamment dans les universités nord-américaines sensibles à la cause palestinienne. Dans le même temps, et sans tomber dans un raccourci facile, l’action militaire menée par Israël en territoire gazaoui travaille aussi à la détestation d’Israël au sein de la population actuelle mais aussi de la jeunesse gazaouie. Mais ce conflit, loin d’être terminé, est aussi l’aveu d’impuissance d’Israël face à un mouvement terroriste capable depuis des années désormais de se renouveler de quelques manières que ce soit en dépit du harcèlement d’Israël à son endroit. La solution militaire, brutale et aveugle, employée par Benyamin Netanyahou risque dans les années à venir, peut-être avant, se révéler une arme à double tranchant suscitant ressentiment et tensions dans le camp palestinien mais aussi incompréhension au sein de la population israélienne consciente que tout déferlement de violence inutile est susceptible d’engendrer des conséquences identiques sur le sol de l’État hébreu. Entre sécurité d’Israël et guerre personnelle, Benyamin Netanyahou  a fait de la première le prétexte de la seconde ouvrant la porte à un pari risqué pour lui mais aussi pour l’État hébreu.

Si les étudiants s’en mêlent…

La mobilisation d’une partie des étudiants de la Sorbonne après ceux de Sciences Politiques Paris reste attentivement scrutée par le Gouvernement qui redoute un embrasement de la situation et une réaction en chaîne tant sociale que communautaire.

Déjà fracturé au regard de multiples raisons, voilà que plusieurs hauts lieux de l’enseignement de l’Hexagone, à commencer par les plus célèbres d’entre elles, la Sorbonne et Sciences Politiques Paris, se déchirent entre étudiants pro-palestiniens et pro-israéliens. Le mouvement, parti des Etats-Unis, avec pour objectif de soutenir les populations palestiniennes Gazouis actuellement sous le feu de l’armée de l’Etat hébreu, pourrait cependant faire tâche d’huile dans un pays particulièrement sensible à la question. Le Gouvernement qui suit de près l’évolution de la situation, et pour cause, tout embrasement de la contestation d’un côté ou de l’autre, aurait certainement pour conséquence de déraper sur d’autres thématiques tout aussi politiques. Et à quelques semaines des élections européennes, Gouvernement et exécutif ne souhaitent pas, à tout le moins, voir le monde estudiantin s’embraser, lui qui s’est toujours révélé hautement inflammable et surtout annonciateur, dans ses causes défendues, d’agitations futures concernant des sphères d’activité diverses et variées.

Importation du conflit

Or, même si cette contestation est clairement ciblée et ne donne pas le sentiment de devoir déborder au-delà des cercles étudiants, le risque reste cependant présent puisque le Premier Ministre Gabriel Attal, s’est dit attentif à la question. Dans un second temps, passée l’opposition entre étudiants pro-palestiniens et pro-israéliens, ces derniers se révélant par ailleurs peu visibles et peu actifs ceci dit, le Gouvernement veut aussi éviter, outre un mouvement social qu’il aurait peine à juguler, une forme de dérapage global ou localisé teinté d’antisémitisme alors que la France a contribué a contrecarrer la riposte iranienne contre l’Etat hébreu récemment. Une importation du conflit sur le territoire serait pour le Gouvernement certainement la pire des conséquences du conflit ouvert le 7 octobre dernier. D’où tout l’intérêt que porte le Quai d’Orsay à la possible trêve à venir entre Hamas et Israël. Bien que désormais très ancien puisque remontant au moins à 1948 avec la création de l’État d’Israël par David Ben Gourion, le conflit israélo-palestien actuel aurait presque tendance à escamoter le conflit russo-ukrainien pourtant stratégiquement tout aussi lourd de conséquences. Et les yeux de la planète de se tourner vers les Etats-Unis avec l’espoir que ceux-ci canalisent les ardeurs d’Israël.

Bureau ovale

Mais déjà embarqué via la récente enveloppe de 95 milliards de dollars attribuée entre autres à Kiev par le Sénat des Etats-Unis, (L’enveloppe comprend également des fonds pour Israël, Taïwan et un ultimatum à TikTok), Washington entend désormais pouvoir se consacrer aux élections de novembre 2024 qui doivent désigner le nouvel occupant du bureau ovale. Loin de se désintéresser de la situation en Proche-Orient ou en Ukraine, l’Oncle Sam joue pour l’heure sur une forme de temporisation, plaidant tacitement pour une pause dans son intervention globale. Mais sur le terrain, que ce soit à Gaza ou Kharkiv, point de trêve ou de considérations pacifiques, pour l’heure en tous cas. Et c’est bien d’ailleurs ce que redoute le gouvernement français, et avec lui d’autres Etats européens, qui craignent, une lente contamination par les conflits en cours, notamment celui du Proche-Orient des sociétés du Vieux continent.

L’arme emploi

Les mesures annoncées par le Gouvernement afin de réduire la durée d’indemnisation et le montant des allocations attribuées aux demandeurs d’emploi dans un objectif de relance du marché de l’emploi cachent mal la volonté de réduire le déficit public et la stigmatisation à peine voilée des demandeurs d’emploi.

La réforme de l’assurance-chômage, présentée le 27 mars dernier par le Premier Ministre Gabriel Attal et selon les dires de ce dernier, a pour vocation de provoquer un retour rapide à l’emploi. La méthode, simple, est déjà engagée depuis 2017 : réduire le montant et la durée d’indemnisation des demandeurs d’emploi. La mesure n’est pas nouvelle dans un pays qui n’a jamais su depuis les années soixante-dix dompter le chômage de masse, plaie impossible à guérir dans la septième puissance économique mondiale (Données Statista 2022).

Un chômeur, un emploi

Si pour de nombreux économistes l’idée de réduire indemnisation et durée associée peut potentiellement avoir des effets (rappelons toutefois que depuis deux trimestres consécutifs le taux de chômage a encore augmenté pour se fixer au quatrième trimestre 2023 à 7,5 %), la mesure en question s’inscrit surtout dans la volonté du Gouvernement de poursuivre la réduction du déficit public fixé par le Ministère des Finances, réduction établie cette année à dix milliards d’euros. Concrètement, les mesures proposées par le Gouvernement, qui entreront en vigueur au 1er juillet prochain, devraient selon les premières estimations de Bercy, générer entre deux et trois milliards d’euros d’économie. D’un point de vue comptable, le Gouvernement peut se frotter les mains en considérant que ces économies et les mesures qui les génèrent poussent encore un peu plus le pays vers le plein emploi fixé à 5 % de la population active. Objectif ambitieux certes. Sauf qu’avec trois millions de demandeurs d’emploi indemnisés, qui pour leur immense majorité n’a en rien demandé à subir cette situation, et des entreprises, qui pour certaines peinent lourdement à recruter, il n’est pas écrit que l’on pourra mettre un chômeur devant chaque emploi vacant.

Précarisés et stigmatisés

Ainsi, indépendamment de la mesure purement financière que recèle cette réforme, se cache aussi en filigrane l’idée que les demandeurs d’emploi se complaisent dans l’inactivité temporaire qui est la leur, donnant de ces derniers l’image de parasites de la société vivant de la générosité de l’Etat-Providence. Là encore, c’est mal connaître la réalité socio-économique du pays et surtout de ceux qui sont soumis à l’allocation-chômage. Déjà précarisés en raison de leur situation, les demandeurs d’emploi se retrouvent ainsi stigmatisés et potentiellement contraints d’accepter un emploi qui ne le convient pas. Avec quel résultat : démission de l’emploi concerné, mal-être,…Et retour à France Travail. Une évidence s’impose : appeler à une baisse du nombre de demandeurs d’emploi est louable ; culpabiliser ces derniers n’est en rien une solution. Preuve en est, une fois encore, que l’arme de l’emploi s’utilise souvent à dessein dans une logique populiste, gratuite et facile.

Tensions sans fin au Proche-Orient

Si désescalade est le maître-mot qui préside à la crise que traverse le Proche-Orient, il apparaît aussi que les Etats-Unis se sont lancés dans un exercice d’équilibriste risqué sans option de résolution rapide des tensions. Pourtant, ces dernières existent.

En déclarant ne pas souhaiter d’escalade avec la République islamique d’Iran tout en continuant à soutenir l’État d’Israël, les Etats-Unis s’engage dans une diplomatie que d’aucuns qualifieraient de schizophrénique, voire de tautologique, tant les deux notions semblent tout à la fois opposées et impossibles à concilier. Pourtant, le pari lancé par l’administration Biden, largement influencé par les élections de Novembre prochain qui imposent une certaine fermeté à l’endroit de l’Iran ainsi qu’une forme de compréhension tacite à l’endroit d’Israël, se veut extrêmement risqué. Pourquoi ? Tout d’abord parce que l’Iran, bien qu’isolé sur la scène internationale et rongé de l’intérieur par une grogne sociale anti-mollahs, est malgré tout parvenu à agresser Israël enlisé dans son conflit contre la Hamas, lui-même soutenu, tout comme le Hezbollah, par l’Iran.

Menace iranienne

Négocier avec Téhéran, option qui s’avère pourtant des plus compromises à ce ce jour, renvoie à jeu d’équilibriste qui tranche avec la diplomatie généralement pratiquée par les Etats-Unis.Non que Washington ne sache faire preuve de finesse en la matière mais la sensibilité orientale s’accommode globalement assez mal avec le pragmatisme anglo-saxon d’outre-atlantique. Pour autant, si Israël et les Etats-Unis veulent espérer un arrêt, même temporaire, de la menace iranienne, il faudra nécessairement concéder des compromis que seule une négociation pesée et mesurée permettra. Or, si les Etats-Unis étaient à la barre, cette option pourrait prendre forme et se dessiner comme ce fut le cas lors du mandat de Barack Obama sur la question du nucléaire iranien conclu par l’accord de Vienne en 2015. Mais Washington doit aussi composer avec Israël, en première ligne d’un point de vue géographique et politique, et dont le poids diplomatique n’est plus à démontrer. En qualité de premier soutien de l’État hébreu, les Etats-Unis se retrouvent presque piégés tant leur implication dans l’alliance avec Israël est avancée. Reste donc à trouver une voie diplomatique apte à satisfaire l’Iran mais aussi ses satellites que sont le Hamas et le Hezbollah, autant de cailloux dans la chaussure de l’État hébreu loin de s’être débarrassé des deux mouvements armés.

Likoud ou Travailliste

Et la négociation de s’avérer encore plus difficile au regard des exigences d’Israël et de l’Iran, exigences diamétralement opposées. Pour autant, une solution existe, improbable certes à ce jour mais pas impossible. Le départ de Benyamin Netanyahou du Cabinet israélien et la chute des mollahs en Iran ouvrirait de nouvelles possibilités de négociation. Concernant la première hypothèse, il conviendra d’attendre les prochaines élections générales pour voir qui du Likoud ou des Travaillistes l’emportera même si le Parti travailliste israélien aujourd’hui soutien l’offensive contre la Hamas et fait bloc derrière le gouvernement au regard de la position à adopter face à l’Iran. Concernant l’Iran, la réponse ne viendra que de l’intérieur via le mouvement de révolte initié il y a plus de 12 mois désormais et qui pourrait potentiellement renverser le régime islamique. Mais sa faiblesse actuelle, de par la répression menée, compromet, pour ne pas dire interdit, tout espoir de changement rapide.

Du gaspi à la Sécu !

L’Assurance-Maladie soucieuse de réduire la fraude aux arrêts de travail lance une campagne de lutte contre les salariés indélicats amenés à profiter des failles du système. Si ces dernières restent entières pourquoi alors ne pas tenter de les résorber avant de culpabiliser des salariés occupés à conserver leur emploi.

Populaire dans les années soixante-dix, décennie marquée par le premier choc pétrolier de 1973 – 1974, l’expression chasse au gaspi a retrouvé une énième jeunesse au regard de la volonté de l’Assurance-Maladie de lutter contre les fraudes aux arrêts de travail. Rappelons incidemment que l’expression a maintes fois résonné, et résonnera encore, dans les ministères tout comme dans les ménages depuis plus de cinquante ans. Mais, cette fois-ci, ce sont donc les arrêts de travail qui sont dans le viseur du Ministère des Finances et de la Sécurité Sociale. L’objectif est simple : réduire au maximum le coût des arrêts en question pour travailler à la réduction du déficit public. Fixée à dix milliards d’euros cette année par le ministre des Finances, Bruno Lemaire, le choix est donc fait de tomber à bras raccourci sur les salariés tentés de solliciter un arrêt si d’aventure ils présentaient des troubles susceptibles d’en provoquer un. L’idée, simple et déjà à l’étude est d’augmenter les jours de carences, passant ces derniers de trois à sept, d’aucuns appelant ça de la dissuasion sanitaire.

Travail devenu précieux

Pour autant, indépendamment des idées avancées, celle-ci ou une autre, il apparaît clairement que l’État et le Gouvernement ont ouvert une chasse aux salariés désignés comme coupables d’être, de temps à autres, malades. Ce que semble toutefois oublier la Sécurité Sociale, noble et vénérable institution dont toutes les branches ne sont pas déficitaires, c’est que, globalement, personne ne souhaite être malade ou en arrêt pour la simple et bonne raison que le travail, devenu précieux et essentiel, pour l’immense majorité des salariés, se présente encore comme une priorité. Précisément, il serait peut-être intéressant de renverser la table et de s’interroger sur le nombre de personnes qui se rendent sur leur lieu de travail tous les jours en étant souffrants (hors maladies longues ou incurables), préférant s’affranchir de tout arrêt car ces derniers ont un coût et un effet immédiat sur le salaire mensuel. Certes, d’aucuns argueront qu’il existe des professionnels de l’arrêt maladie tout comme il existe pléthore de praticiens qui distribuent les arrêts de complaisance.

Etat-Providence

Mais si réfléchir aux moyens d’effectuer des économies substantielles est louable, traquer les salariés relèvent d’un combat facile qui devrait peut-être être remplacé par une réflexion plus profonde sur la nature et les objectifs de l’État-Providence sans que celui-ci défasse de ces avantages ceux qui l’alimentent par leur travail actuel ou passé. Prenant comme postulat de départ que les soins médicaux sont remboursés par la Sécurité Sociale, notre système entérine de fait la possibilité d’une fraude. Donc à lutter contre quelque chose, il convient de lutter contre les failles du système et non pas engager un combat disproportionné contre des salariés plus préoccupés à conserver leur emploi qu’à se vautrer dans le luxe, des plus relatifs et des plus discutables, de l’arrêt de travail et de ses conséquences financières.

Un duel et des raisons

A quelques semaines des élections européennes, c’est un duel entre le parti présidentiel Renaissance et le Rassemblement National qui se profile. Occasion de revenir sur les raisons qui ont permis l’ascension des deux formations politiques au détriment du Parti socialiste et des Républicains en premier lieu.

Si certains en doutaient, cela devient désormais une évidence, presque un drame démocratique, mais il apparaît que les prochaines élections européennes, en France pour le moins, vont tourner au duel Renaissance, le parti présidentiel, contre Rassemble National, le parti d’extrême droite, d’ailleurs officiellement qualifié ainsi par le Conseil d’État. Au-delà de l’affrontement qui semble inéluctable, sauf à voir se concrétiser dans les jours à venir un renversement de situation qui verrait droite et gauche reprendre vie (entendez par là Parti socialiste et Les Républicains), il n’est pas inopportun de s’intéresser aux raisons qui ont poussé droite et gauche à être siphonnées, la première par le Rassemblement National, la seconde par La France Insoumise et le parti présidentiel. En ce qui concerne Les Républicains, il est possible d’identifier au moins deux raisons.

Héritier du gaullisme

La première est liée à la volonté affichée du parti d’extrême droite de justement quitter et se défaire de cette dénomination en se présentant tel un parti de droite dure, partisan de l’ordre et de la rigueur, allant même parfois à se présenter comme l’héritier d’un gaullisme oublié où la France voulait briller par sa grandeur et son aura. Cette opération de séduction, plutôt grossière, a cependant assez bien fonctionné auprès d’un électorat de droite déçu par un parti originel jugé trop proche du macronisme, lui-même plus adepte d’une politique de centre-droit que réellement libérale et droitière. La seconde raison, plus historique celle-ci, d’ailleurs rappelée en 1997 par Lionel Jospin, alors Premier secrétaire du Parti socialiste et pas encore Premier ministre, est la porosité idéologique naturelle existante entre droite républicaine et extrême droite. Car si la droite républicaine a toujours honni les thèses xénophobes avancées par le Front National d’alors et le Rassemblement National d’aujourd’hui, il persiste malgré tout un fond réactionnaire qui en période d’incertitude sociétale croît et attire à lui des électeurs en mal d’autorité.

Social-démocratie

Concernant la gauche, longtemps omnipotent et après avoir vidé le Parti Communiste de ses militants et de ses idées les plus progressistes (car il y en avait), le Parti Socialiste, s’est vu damer le pion par LFI et par Emmanuel Macron en 2017, se présentant comme le fils naturel de la social-démocratie dont la gauche classique n’a jamais su négocier le tournant, y compris quand Michel Rocard, Premier Ministre de 1988 à 1991, en posa les bases, ensuite reniées par ses pairs et le PS dans son ensemble. LFI, plus brutalement mais efficacement, s’est donc imposée comme une forme de nouvelle gauche populaire quand le PS s’est liquéfié, voire délité, au sein de la macronie qui ne l’a même pas remerciée. In fine, la bi-polarisation de la vie politique hexagonale, réduite aujourd’hui à un duel de partis de droite, met aussi en évidence la crise et l’indigence démocratiques qui étrangle le pays tout en révélant la faiblesse idéologique des formations politiques historiques tout comme leur médiocrité métabolique.

Faim de pouvoir et fin de règne

Triomphalement réélu à la tête de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine semble autant intouchable qu’inoxydable. Pourtant, une analyse plus avancée de la réalité tendrait à évoquer une atmosphère de fin de règne, du moins les prémices d’années difficiles à venir.

Il y a dans la victoire tronquée, presque vulgaire tant la manipulation s’est révélée grossière, de Vladimir Poutine lors de l’élection présidentielle du 17 mars qui l’a reconduit pour six ans à la tête de la Russie, une ambiance de fin de règne qui ne veut pas dire son nom. Pourtant, au regard de la situation actuelle, triomphalement réélu et chef de guerre incontesté, Vladimir Poutine semble intouchable et inoxydable puisque au pouvoir depuis le 31 janvier 1999. Alors pourquoi évoquer cette notion d’atmosphère de fin de règne ? Plusieurs raisons pourraient le justifier. Tout d’abord, si Vladimir Poutine était si sûr de son pouvoir et de son influence, il n’aurait pas pris temps de soin à martyriser Alexei Navalny dont le nom hantera longtemps l’Histoire russe et celle du président russe.

Ligne de crête

Vladimir Poutine a eu beau évoquer dans son discours post-électoral, un « évènement triste », il n’en reste pas moins que la mort de Navalny dans une colonie pénitentiaire de l’Arctique ressemble plus à l’élimination d’un opposant actif et dangereux plus qu’à un accident classique. D’opposition aussi il est question dans cette fin de règne, car, bien que muselée sur le sol russe, celle-ci n’en reste pas moins active à l’extérieur, travaillant à dénoncer les excès commis par un pouvoir russe enlisé dans des difficultés économiques lourdes et la guerre en Ukraine. Car là encore, la ligne budgétaire russe révèle plus d’une ligne de crête que d’un boulevard serein. En se prononçant pour des baisses d’impôts et autres amortisseurs sociaux, Vladimir Poutine s’expose et impose à son administration et sa gouvernance d’être au rendez-vous des promesses dans un contexte économique épineux : les sanctions de l’Occident infligées à la Russie en raison de la guerre en Ukraine portent leurs fruits, altérant les résultats de l’économie russe, même si ces derniers sont invisibles ou mal appréhendés de l’extérieur.

Failles et tradition

Dernier point, Vladimir Poutine pourra-t-il encore demander aux Russes efforts et sacrifices alors que s’éternise une guerre en Ukraine qui devait être courte et rapide ? Le score d’essence soviétique via lequel Vladimir Poutine a été réélu cache tout un ensemble de failles qui, une à une, fissurent la présidence de Poutine tout comme les scores fleuves visant à réélire les anciens premiers secrétaires du Parti Communiste cachaient le naufrage de l’Union soviétique. Et que penser alors de la demande du chef du Kremlin d’une trêve des combats pendant les Jeux Olympiques. Si Vladimir Poutine doit très certainement connaître la tradition grecque antique qui voulait que les cités hellènes interrompent leurs affrontements durant les Jeux, il serait intéressant de connaître les motivations qui le poussent à formuler cette demande. In fine, et en dépit d’une toute puissance qui ne semble pas connaître de limites, il apparaît aussi combien Vladimir Poutine semble seul dans un avenir qui ne plaide pas nécessairement en faveur de la Russie ou, en tous les cas, de son bonheur immédiat.

L’Europe et Tocqueville

Si 73 % des Français se déclarent favorables au projet européen, ces derniers placent aussi le Rassemblement national en tête des intentions de vote lors des élections européennes de juin prochain. Antinomie politique que Tocqueville avait évoqué au XIXème sous d’autres formes mais toujours d’actualité.

On aurait pu croire les Français remontés contre la construction européenne, presque fâchés. Force est de constater, à la lecture du dernier sondage Ipsos, que c’est l’inverse qui prévaut puisque 73 % des sondés se déclarent favorables au projet européen. Résultats encourageants mais qui tranchent, voire étonnent, quand, dans le même temps , le Rassemblement National distance de 13 points le parti Renaissance, pilier de la majorité présidentielle. D’aucuns s’interrogent sur cette antinomie d’autant plus que le projet politique du parti d’extrême droite ne s’accorde pas spécialement avec le projet européen mené depuis sa création en 1957 via le Traité de Rome. D’autres se rallieront peut-être à la réflexion de Tocqueville qui affirmait que les affaires intérieures conditionnaient souvent les affaires extérieures. Avancée au XIXème siècle, cette réflexion n’en est pas moins d’une contemporanéité qui pourrait expliquer cette apparente antinomie.

Instrumentalisation

Car si les sondés en question, sensés représenter les Français, se déclarent favorables au projet européen, les inquiétudes qui les traversent, les angoisses qui les étreignent et les peurs qui les agitent sont à l’origine de la popularité croissante du Rassemblement national à quelques semaines d’une élection d’envergure européenne donc extérieure. L’instrumentalisation du scrutin par le parti d’extrême droite, si elle n’est plus à démontrer, afin de discréditer l’action gouvernementale, et ainsi utiliser les échéances européennes en qualité de test grandeur nature avant l’élection présidentielles de 2027, ne renvoie cependant que partiellement à la réflexion de Tocqueville car si l’extrême droite se renforce en France, elle n’en est pas pour autant au pouvoir. Et, aussi insidieuse que puisse être son influence sur la conduite des affaires publiques, elle n’exerce aucun mandat exécutif à même de lui offrir une tribune et un espace d’action. Pour autant, elle illustre dans une certaine mesure comment un peuple reste d’abord tourné vers ses préoccupations intérieures avant de considérer la politique extérieure comme une solution possible aux maux qu’il traverse.

Malaise intérieur

Imprimer à ses relations extérieures une teinte intérieure n’a d’ailleurs rien de nouveau. Dernier exemple en date, les précautions prises par les Etats-Unis à l’endroit d’Israël au regard du conflit qui oppose ce dernier au Hamas alors que se profile l’élection présidentielle en novembre 2024 sensé élire le successeur de Joe Biden ou reconduire celui-ci dans ses fonctions. Ainsi, ne faut-il voir dans l’ascension du Rassemblement national que l’expression d’un malaise intérieur, mais pas uniquement non plus, que l’on pourrait aussi étudier dans d’autres pays de l’Union invitant dès lors à distinguer le projet européen, et les potentielles fautes qui peuvent lui être imputées, et les objectifs politiques d’un parti soucieux de détourner un scrutin communautaire à des fins purement domestiques. Il serait d’ailleurs intéressant d’étudier dans quelle mesure s’exprime le poids des députés européens issus des partis d’extrême droite sur la politique intérieure de leurs pays d’origine. Mais de cela, Tocqueville n’en a point fait état.

Même aux Etats-Unis….

Aux Etats-Unis, à quelques mois de l’élection présidentielle, deux prétendants semblent se détacher pour occuper la Maison Blanche. Mais sont-ils pour autant les meilleures représentants de leurs partis et ont-ils l’un et l’autre toutes les capacités pour siéger dans le bureau ovale ? Tentative de réponse.

Dans l’impasse car pour l’heure sans solution de substitution, le Parti Démocrate va vraisemblablement à nouveau se tourner vers Joe Biden pour affronter Donald Trump, candidat déclaré à un nouveau mandat au sein de la Maison Blanche. Or, la question qui se pose aujourd’hui au Parti démocrate est de savoir si ce choix se veut dicté par la nécessité, l’évidence ou le dépit ? La question revêt tout son sens quand on analyse au plus près le bilan de la mandature de Joe Biden mais elle en revêt encore plus lorsque l’on s’interroge sur son âge et ses capacités cognitives. Reprenons dans l’ordre. Concernant la nécessité, il est apparaît évident qu’aucun candidat démocrate ne se pose à ce jour comme capable d’éluder Joe Biden, encore moins d’affronter l’ogre démagogue Trump. L’évidence, elle, se veut plus nuancée car, à l’aune des arguments précédents, Joe Biden est le seul à présenter un bilan à la tête de la Maison Blanche et pour cause, il est le seul élu démocrate à avoir damé le pion à Donald Trump en novembre 2019.

Interrogations et crédibilité

Reste la question du dépit. La pire qui soit car elle renvoie le candidat désigné à un rôle passif et non actif, choisi par défaut et non par conviction, à qui la défaite ne sera pas reprochée car intégrée dans le processus de désignation. Voilà donc une élection à venir (novembre 2024) au parfum certes de déjà vu mais surtout d’interrogation sur la vitalité de la démocratie nord-américaine et sa capacité à générer des acteurs politiques plus jeunes que les deux prétendants attendus et à même de mobiliser pleinement leurs camps respectifs. Car si Donald Trump est loin de faire l’unanimité au sein des Républicains, il en est de même pour Joe Biden sur qui courent questions et commentaires sur sa santé globale. Les récentes pertes de mémoire lors de conférences de presse ou ses confusions sur les dirigeants des pays alliés sont autant d’éléments qui poussent électeurs et grands électeurs à s’interroger sur le candidat Biden. Certes. Mais qui alors pour le remplacer ? Kamala Harris, vice-présidente trop discrète pendant le mandat de Joe Biden, aurait pu, voire aurait dû, grandir dans l’ombre de son mentor afin de se positionner comme candidate crédible. Tel ne fut pas le cas, laissant la place nette à Joe Biden et à d’autres mais là encore, lesquels ? Vu d’Europe, la situation est des plus paradoxales car si Joe Biden incarne tout ce qu’une majorité d’Européens apprécient en terme de progrès social, de coopération internationale, d’ouvertures au monde, la chevauchée empreinte de démagogie de Donald Trump stupéfie le Vieux Continent au regard de ce que fut le mandat du magnat de l’immobilier. Et à ce titre, toujours flanqué de cet étonnement, nombreux s’interrogent sur l’incapacité du Parti démocrate à présenter un ou plusieurs candidats susceptibles de concurrencer Joe Biden. Une conclusion semble alors s’imposer. En Europe comme aux Etats-Unis, et dans de nombreuses démocraties contemporaines, le personnel politique est à l’image des populations sensées être dirigées ou guidées par lui. Sans remettre en question les qualités intrinsèques de chacun des acteurs engagés dans l’action publique, force est de constater que la faiblesse globale de cette action, qui confine parfois à la médiocrité, pousse les corps électoraux à se tourner vers des candidats jugés, à tort ou à raison, plus dynamiques car prompt à développer des thèses empreintes de démagogie et de populisme rempli de raccourci idéologiques.